Regards croisés de community managers de musées

Les réseaux sociaux deviennent de plus en plus présents dans la vie des Français. En effet, 8 habitants sur 10 seraient inscrits sur un réseau social et près des 2/3 les fréquenteraient quotidiennement.

Après les entreprises et la société civile, les musées se lancent sur ces nouvelles plateformes d’échanges et de collaboration. Nombreux sont ceux à s’y essayer, même si peu d’entre eux peuvent se targuer d’avoir une équipe qui leur est dédiée. Tel est le cas par exemple du Centre Pompidou et du musée du quai branly, dont l’équipe se compose de 2 permanents (pour le multimédia). Le musée de Cluny, quant à lui, doit compter sur la multidisciplinarité de sa responsable communication adjointe, Claire Séguret.

Ces trois musées sont tous des musées nationaux. Cependant, ils adoptent tous une stratégie assez différente sur les réseaux sociaux. Tout simplement parce que leurs collections et leur environnement sont différents, mais également parce que leur organisation interne varie  ainsi que la perception des réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux : entre diffusion des contenus et communication

C’est ainsi qu’au musée du quai branly et au Centre Pompidou, la gestion des réseaux sociaux se fait soit au sein de la direction des éditions (pour Beaubourg) ou à la direction du développement culturel (c’est-à-dire notamment la production des expositions et des éditions pour le quai branly) alors que pour le musée du Moyen-Age, tout est géré au niveau du service communication.

Cet exemple illustre assez bien la dualité des institutions culturelles dans la perception des réseaux sociaux. Au Centre Pompidou et au quai branly, c’est la diffusion des contenus qui prévaut. Selon Gonzague Gauthier, chargé des projets numériques, cette proximité trouve sa logique dans la nécessité de faire régulièrement appel aux créateurs de contenus (notamment les conservateurs) lors d’échange sur les réseaux sociaux. Le Centre Pompidou diffuse avant tout du contenu sur la toile et là se situe sa stratégie. Le musée est par conséquent présent sur Twitter, Facebook  (un compte institutionnel et plusieurs comptes thématiques) mais aussi Dailymotion (et non YouTube à cause des précédentes conditions générales d’utilisation ne correspondant pas aux contrats signés avec les ayants-droits des artistes exposés au Centre). En effet, bien que le musée ait pour mission de diffuser des contenus sur les réseaux sociaux, ceux-ci sont soumis à des restrictions liées au droit d’auteur et à des contrats parfois contraignants. C’est ainsi que certains contenus diffusés sur le Centre Pompidou virtuel ne peuvent se retrouver sur d’autres plateformes.

Bien que rattaché à la direction du développement culturel, le quai branly suit une logique pragmatique et empirique. Selon Sébastien Margueron, responsable Internet, Mobile et Multimédia, sa présence sur les réseaux sociaux, suite au recrutement de Sébastien Magro, community manager, en 2012, lui sert surtout à être visible et présent sur la toile (3 comptes Facebook, 1 compte Twitter, YouTube et Dailymotion ainsi que des espaces réservés sur Pinterest, Google+, Linkedin, Storify et Tumblr). La stratégie du musée est donc ici plus de recruter, d’évangéliser le public, de l’intéresser aux collections et aux actualités du musée. Le quai branly a aussi très à coeur de répondre aux personnes qui l’interpellent ou qui le citent. C’est ainsi que certains adolescents twittant leur “désespoir” de visiter le musée se retrouvent surpris que le musée leur réponde.

Les sollicitations en interne sont nombreuses. Au-delà de la consultation du comité éditorial du site (que ce soit au Centre Pompidou ou au musée du quai branly), les responsables multimédia font souvent appel aux contacts opérationnels, qui eux sont aussi sont très demandeurs d’échanges avec leur public. Sur Facebook, les programmateurs prennent très souvent la parole. Sur Twitter cependant, les autres collaborateurs ne prennent pas la parole directement, pour d’évidentes raisons de maîtrise du discours de l’institution et de sa stratégie de marque.  En effet, bien que dans ces deux musées les réseaux sociaux ne soient pas gérés par la direction de la communication, celle-ci a néanmoins un droit de regard sur le discours à tenir.

Et c’est justement la communication qui prend la parole au musée de Cluny. Claire Séguret, responsable adjointe communication, s’est saisie de la question plus vaste du web à son arrivée en 2009. En effet, le musée n’était pas présent sur les réseaux sociaux et le site web était en déshérence. Un premier test fut donc lancé lors de l’opération “Ask a curator” en 2010, qui permettait de mettre en relation conservateurs, personnels de musées, spécialistes et passionnés. Le test fut limité à Twitter en raison de la campagne mais l’opération fut un succès et permit au musée de gagner en notoriété. Un second test fut lancé sur Facebook à l’occasion de l’exposition “L’épée. Usages, mythes et symboles”. Le groupe permit de rassembler un public assez inhabituel : des mordus d’heroic fantaisie et de reconstitution d’escrime médiévale. Un débat prit naissance sur la toile sur les démonstrations d’arts martiaux européens. Ce fut la seule expérience à ce jour du musée sur Facebook, Claire gérant également d’auters aspects plus “classiques” de la communication (print, relations presse, partenariats, mécénat, accueil des tournages et prises de vues, et mise à disposition de certains espaces du musée).

Sur Twitter, au-delà des contenus et de l’actualité du musée, le principe est également de se positionner sur des thèmes, qui à première vue semblent éloignés de la thématique du Moyen-Age : la photographie et le tourisme et permettent de briser certains clichés récurrents sur cette période. Ce décalage permet au musée de Cluny de trouver son public et d’échanger avec lui sur des sujets connexes aux collections.

Garder le lien avec son public

Les trois musées s’accordent sur un point : ils bénéficient tous d’un capital de sympathie énorme. Finalement, ils rencontrent assez peu de trolls sur les réseaux sociaux. Les thématiques pouvant faire polémique sont rapidement connues d’avance : une grande entreprise pétrolière grand mécène de l’un ou l’autre exposant un artiste connu pour certaines performances trash, impliquant notamment des animaux.

Cette question évacuée, il leur reste à créer et entretenir une communauté. Il est important de pouvoir la faire participer à certains projets et d’éviter un discours descendant et froid, souligne Sébastien Margueron. Les discours s’adaptent donc en fonction des visiteurs, que ce soit dans la façon et les sujets abordés (musée de Cluny) ou à l’espace qui leur est dédié (Musée du quai branly avec ses trois espaces Facebook : un général, un pour la médiathèque et un dernier plus tendance avec des soirées thématiques les Before).

Le Centre Pompidou, quant à lui, cherche à qualifier son public et par conséquent ses fichiers. Facebook et Twitter servent donc d’outils de recrutement et de qualification pour l’utilisation de certains outils du Centre Pompidou Virtuel. Ce travail autour de la base de données de la communauté du musée et de son traitement du Big Data se fait dans le respect des règles de la CNIL pour des raisons évidentes de préservation de la vie privée mais aussi de pouvoir mieux comprendre son public.
Le Centre coordonne également le recrutement d’ambassadeurs (200 personnes), apportant du contenu parallèlement à la programmation du musée et une co-construction de la notorité et des contenus du musée.

Des musées présents sur Internet, les réseaux sociaux, qui font participer et réagir leur public à leurs expositions… Le défi est à peine atteint qu’un autre se dessine. Permettre une continuité des écrans, du smartphone à la tablette en passant par le PC, garder le lien à l’intérieur comme à l’extérieur du musée, voilà la prochaine grande question à laquelle vont devoir faire face nos structures culturelles. Etre en lien quasi permanent avec son public et suivre sa consommation des nouveaux outils qui évoluent continuellement.

L’interview parallèle…

Que souhaitais-tu faire quand tu étais petit ?

Sébastien Magro : Paléontologue
Sébastien Margueron : Meunier
Gonzague Gauthier : Cuisinier
Claire Séguret : Princesse / hôtesse de l’air

Que te disent tes proches au sujet de ton métier ?

Sébastien Magro : Mais tu fais quoi en fait ?
Sébastien Margueron : On m’appelle quand on veut acheter un ordi
Gonzague gauthier : A quoi ça sert ?
Claire Séguret : Pourquoi t’es fatiguée alors ?

Si tu étais une oeuvre de ton musée

Sébastien Magro : Un masque Yupik d’Alaska
Sébastien Margueron : Un masque Dogon
Gonzague Gauthier : Carré blanc sur fond blanc de Malévitch
Claire Séguret : Sainte Marie-Madeleine (c’est un peu comme ça qu’on me voit à la communication.

Ton rêve de Community Manager :

Les Sébastien : Tu as le temps ?
Gonzague Gauthier : une piscine sur le toit
Claire Séguret : une paire de louboutin customisée comcomclaire